Lettre à Europe1, les
Chroniques de l'Info
Dans les "Chroniques de l'info" d'aujourd'hui, Axel de Tarlé a traité le
sujet "L'anglais doit-il devenir la langue de l'Union européenne?" Je
connais le problème de l'intérieur, puisque dans ma jeunesse j'ai été traducteur à l'ONU, puis à l'OMS. Or, M. de Tarlé est manifestement mal
informé sur l'état de la question. Il dit de l'espéranto que c'est "une
langue que personne ne parle", et il ajoute: "c'est là le problème". Grave
erreur. L'espéranto est parlé par de nombreux locuteurs répartis dans le monde entier. Personnellement je le parle depuis l'enfance (c'est lui qui
m'a donné le goût des langues et déterminé ainsi une partie de ma carrière).Travaillant pour les organisations internationales, je l'ai
utilisé
dans toutes les parties du monde. Dans certains pays (Bulgarie, Brésil,
Ouzbékistan, par exemple) il m'a été plus utile que l'anglais pour le
contact avec les populations locales.
Aujourd'hui, on trouve des personnes qui savent l'espéranto dans plus de
cent pays. J'ai assisté à des centaines de réunions internationales, les
unes où la langue de communication était uniquement l'anglais, d'autres
recourant à l'interprétation simultanée et d'autres encore utilisant
l'espéranto. Je peux attester que de toutes ces
formules, l'espéranto est de loin celle qui permet la communication la plus
aisée, la plus équitable, la plus précise et la moins chère (déjà au moment
de l'organisation de la réunion; que dire si l'on inclut dans le calcul le
temps consacré à l'apprentissage linguistique! A âge égal et à nombre égal
d'heures hebdomadaires, six mois d'espéranto donnent un niveau de
communication qui demande plus de six ans de le cas de l'anglais). Voyez mon
rapport de recherche "Communication linguistique - Étude comparative faite
sur le terrain" dans Language Problems and Language Planning , vol.26,
n°1, Spring 2002 (consultable sur la Toile à l'adresse http://www.claude-piron.ch/Communication-linguistique-etude.html) ou mon livre "Le défi des langues"
(Paris: L'Harmattan, 2e éd. 1998, notamment au
chapitre XI).
L'honnêteté intellectuelle exigerait que, dans une prochaine chronique, M.de
Tarlé rectifie cette information inexacte. Il n'est pas difficile de se
documenter à l'époque d'Internet. Condamner les Européens au
tout-à-l'anglais, ou à des dépenses faramineuses de traduction n'a aucun
sens alors qu'il existe un moyen commode qui a fait ses preuves et dont
personne n'a jamais contesté la remarquable efficacité après avoir étudié la
question (il est vrai que bien des gens ridiculisent cette formule, mais ce
ne sont jamais des personnes qui ont observé une séance en espéranto, qui
ont lu sa littérature, qui en ont fait une analyse linguistique ou qui l'ont
comparé aux formules rivales, dont l'anglais; la critique est toujours a
priori, elle ne s'appuie jamais sur des faits).
Ce serait sympathique si vous corrigiez l'image négative de l'espéranto qui,
sans justification, a été véhiculée par cette Chronique. Elle a certainement
été présentée de la meilleure foi du monde, mais la bonne foi ne justifie
pas qu'on laisse l'information inexacte sans rectification. La déontologie
journalistique exige que vous fassiez machine arrière. Merci de tenir compte
de cette suggestion.
Claude Piron, 22 rue de l'Etraz, CH-1196 Gland, Suisse
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