Quelques questions et réponses
--- "Connaissez-vous
une culture espérantophone?", demandez-vous.
Oui. J'en discuterai volontiers
avec vous si vous voulez bien lire (ou au moins parcourir) l'article "Culture
et espéranto": http://www.lve-esperanto.com/bibliotheque. Il se
trouve sous "Articles et Lettres".
--- "Quelles valeurs l'espéranto
transmet-il?"
Il m'en a transmis
beaucoup. Le respect de chaque culture. Le
respect des petits. L'importance de la solidarité. La tolérance. Le fait qu'il
vaut mieux régler les conflits par un dialogue d'égal à égal que par la force, y
compris cette espèce de violence qui force les gens, pour la communication
internationale, à utiliser l'anglais faute de voir qu'il y a des moyens plus
équitables, qui créent moins de distance entre les personnes selon leur origine
ethnique ou sociale. La découverte du fait que ce n'est pas parce qu'une langue
n'est pas prestigieuse que le peuple correspondant n'a pas une culture
intéressante (je dois à l'espéranto tout ce que je sais des littératures baltes,
polonaise, hongroise, japonaise et autres). La découverte du fait que la plupart
des problèmes se prêtent à diverses solutions également bonnes, même si
certaines peuvent paraître bizarres, au premier abord, à une personne comme
"moi", conditionnée par "ma" culture. La joie de la rencontre humaine, par
exemple du partage d'expériences douloureuses ou joyeuses avec des
personnes de l'autre bout du monde (Corée, Ouzbékistan, Brésiliens noirs
du sertão..., pour me limiter à ma propre expérience de
l'échange confidentiel en espéranto). Etc.
--- "Quelqu'un
revendiquerait-il l'espéranto comme sa langue maternelle?"
On estime à un
millier le nombre de personnes ayant l'espéranto pour langue maternelle. J'en
connais personnellement plusieurs, par exemple les enfants de Renato Corsetti
(père italien, mère britannique), de Normand Fleury (père québecois, mère
croate) et d'autres dont j'ai oublié le nom. Je connais des couples
étatsunien-mexicain, néozélandais-japonais, suisse allemand-polonais,
hongrois-flamand, polonais-italien, turc-japonais, arménien-chinois, etc. ...
qui se sont formés dans le monde de l'espéranto et dont l'espéranto est la
langue quotidienne, familiale. Il existe un groupe d'échange par e-mail entre
familles dont l'espéranto est la langue de tous les jours, sa "home page" se
trouve à l'adresse http://www.helsinki.fi/~jslindst/denask-l.html.
--- "Qui se sentirait atteint dans son identité?"
Moi, entre autres. L'espéranto
n'est pas ma langue maternelle, mais c'est la langue dans laquelle,
depuis l'âge de douze ans, je pense le plus souvent. Je suis
tout à fait d'accord pour qu'on le critique, comme j'accepte
volontiers qu'on critique ma langue maternelle. Mais cela m'attriste
quand on critique avant d'avoir rencontré, avant de s'être
documenté. Quand on méprise ou rejette une personne
parce que les hasards de la vie ont fait qu'elle s'est identifiée
très tôt à l'espéranto (c'est mon cas),
cela me fait mal. J'ai expliqué dans mon livre "Le
défi des langues" (Paris: L'Haramttan, 2e éd.
1998, ISBN 2-7384-2432-5, chapitre X) comment il se fait que l'espéranto
donne lieu à un sentiment d'identité, contrairement,
par exemple, à l'anglais employé entre allophones.
--- "Ce
nom trahit ses origines latines". J'envie votre clairvoyance. J'ai
beau
regarder votre nom, je sais que je ne sais rien de vous. Comment faites-vous
pour savoir ce qu'est l'espéranto rien qu'en regardant son nom? Savez-vous
que ce n'était pas le nom de la langue à l'origine, que c'est le public qui lui
a donné ce nom? Elle s'appelait au départ, tout bêtement, "Langue
internationale" (du Dr Esperanto).
--- "Est-ce à dire que le latin est
plus important que le grec, le chinois, le birman?"
Nous en reparlerons si
vous voulez bien lire mon article (deux pages) "Langue occidentale,
l'espéranto?" à l'adresse http://www.esperanto-sat.info
(cliquer sur
"Documents") ou ma brochure "Esperanto - European or Asiatic language?"
(Rotterdam: UEA, 1981). Peut-être dois-je préciser que j'ai un diplôme de
chinois et ai travaillé en Asie orientale, où l'espéranto m'a été très utile.
J'ai été initié au chinois par le biais d'une correspondance, quand j'avais 15
ans, avec un Chinois de 17 ans, avec qui j'échangeais environ une lettre par
semaine en espéranto.C'est à lui que je dois mon intérêt pour la culture
chinoise.
--- "Je suis un farouche défenseur de ma propre culture". Moi
aussi. Je suis un farouche défenseur de mes propres cultures, et notamment de
la culture qui s'est développée dans la collectivité d'ampleur mondiale qui a
adopté l'espéranto pour ses échanges par dessus les barrières linguistiques,
culture que, que je le veuille ou non, j'ai intégrée et envers laquelle je suis
redevable de bien des richesses intellectuelles, culturelles et
affectives.
Bien amicalement, Claude Piron.
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