Quelques mises au point
France
Esperante
Quelques mises au point, si vous
permettez.
<< C'est vrai que les langues artificielles n'offrent que des désignations et pas de connotations. >>
A mon avis, c'est une erreur de mettre l'espéranto dans le même sac que les "langues artificielles" en général. En près de 120 ans d'usage dans les situations les plus diverses au sein d'une collectivité relativement vaste répandue sur la totalité de la planète, le projet de Zamenhof s'est mué en langue vivante. Aucun autre projet du même ordre, par exemple, n'est devenu la langue quotidienne de couples binationaux, la langue maternelle d'un certain nombre d'enfants.
Mais quoi qu'il en soit, l'espéranto est très riche en connotations. Beaucoup de racines sont passées dans la langue avec les connotations de la langue d'origine (c'est le cas de hejm par exemple, qui a les connotations de l'allemand Heim , ou de klopodi qui a les connotations du russe khlopotat'). On le voit bien si on fait une étude comparative des champs sémantiques. L'espéranto plena a le champ sémantique et les connotations du russe polnyj, pas du latin plenus ou du français plein. Cent vingt ans de production littéraire et de conversations quotidiennes n'auraient pas pu laisser la langue sans connotations. Il suffit de voir à quel point des connotations différentes de celles qui ont cours dans l'ensemble de la population s'installent vite dans un groupe de jeunes pour comprendre que ce phénomène est naturel et inévitable dès qu'une langue est utilisée.
<< Absent là aussi, le plaisir de comprendre l'évolution des mots. Ce sont des langues sans histoire. Elles sont plus proches des codes que des langues >>
L'espéranto a une histoire. Lisez mon article "A few notes on the evolution of Esperanto" dans Schubert, Klaus, réd. Interlinguistics (Berlin, New York: Mouton-De Gruyter, 1989), 129-142 (ou, sous le titre "Evolution is proof of life", in www.geocities.com/c_piron). Il y a comme dans toute langue un plaisir à comprendre l'évolution des mots, de même qu'il y a des curiosités apparemment impossibles à assouvir, comme lorsqu'on se demande d'où a bien pu venir le mot d'argot krokodili (littéralement "faire le crocodile", "se comporter en crocodile") qui veut dire "parler une langue nationale dans une situation où le groupe parle normalement l'espéranto (et donc priver l'hôte étranger du plaisir de suivre ce qui se dit)". J'ai entendu ce mot au Brésil et au Japon dans les années 1970, ainsi que dans toute l'Europe, toujours avec exactement le même sens, mais personne n'a pu m'éclairer sur le processus mental qui lui avait donné naissance, ni sur la date et le lieu où il avait pénétré dans la langue. Sauf erreur, il n'a été enregistré dans un dictionnaire que vers 1980.
<< il faut bien reconnaître qu'il [l'espéranto] est loin, très loin, de son but initial de langue universelle, vite ramené aux proportions plus modestes et pas plus atteintes de langue auxiliaire universelle. >>
L'espéranto n'a jamais eu pour but d'être une langue unique et de remplacer les autres langues. Ce serait contraire à sa nature puisqu'il est fondé sur le respect de la diversité et des "petits". Il a été conçu par l'auteur du projet comme langue seconde pour les personnes qui n'ont pas la même langue maternelle et qui ont envie de communiquer en utilisant une langue libre de tous liens nationaux, hégémoniques, politiques, économiques et religieux. Dans ce rôle-là il remplit parfaitement sa fonction et a atteint son but, que Zamenhof avait défini en disant:: "que chaque personne ayant appris la langue puisse l'utiliser pour communiquer avec des personnes d'autres nations, que cette langue soit ou non adoptée dans le monde entier, qu'elle ait ou non beaucoup d'usagers." [D-r Esperanto, "Język międzynarodowy" (Varsovie: chez l'auteur, imprimerie Kelter, 1887), p. 7.]
<< Faïk Konitza : "la langue artificielle n'use des mots que dans leur valeur objective, et les mots à qui l'on assigne ce rôle invariable et empesé ne se prêtent qu'à l'affirmation nette, à la négation plate et rigide." >>
C'est inexact en ce qui
concerne l'espéranto. L'usage subjectif des mots y est comparable
à ce qu'il est dans les autres langues. Il suffit d'ouvrir
le Plena Ilustrita Vortaro, qui fait autorité comme
le Petit Robert pour le français, pour se rendre compte que
ce jugement ne tient pas. Les mots n'ont pas, en espéranto,
un rôle invariable et empesé ne se prêtant qu'à
l'affirmation nette ou à la négation plate et rigide.
Je parle espéranto depuis l'enfance. Je suis psychologue-psychothérapeute,
j'ai mené à bien un certain nombre de psychothérapies
en espéranto, j'ai exercé dans cette langue les fonctions
de conseiller conjugal pour des couples binationaux, j'ai écouté
en espéranto bien des confidences, j'ai participé
à d'innombrables débats, et je peux témoigner
que la façon citée ci-dessus de présenter la
langue n'a aucun rapport avec la réalité. Dans mon
expérience, l'affectivité, et donc la subjectivité,
s'expriment plus facilement en espéranto que dans n'importe
quelle autre langue étrangère. Voir à ce sujet
les pages 264 à 270 de mon ouvrage "Le
défi des langues" (Paris: L'Harmattan, 2e éd.
1998, ISBN 2-7384-2432-5).
<< En outre, ces langues, parce qu'elles tendent avant tout à être faciles, exigent dans l'agencement des mots une uniformité qui prive de toute liberté et de toute souplesse. On n'y peut dire les choses que d'une manière, une manière unique et qui a été prévue. >>
Comme il est facile de diffuser l'erreur
quand on ignore ! L'espéranto est bien plus souple que le
français et l'anglais, c'est une des langues dans lesquelles
il est le plus facile de trouver une grande variété
de formulations pour une même pensée. Par exemple pour
exprimer l'idée "J'irai au congrès en train"
on peut dire Mi iros al la kongreso per trajno, mi iros
kongreson trajne, kongresen mi trajnos, mi alkongresos
en trajno, mia alkongresado estos trajna, mi pertrajne
alkongresos, etc. Le français offre moins de possibilités.
Voir à ce sujet mon article "Espéranto
- Le point de vue d'un écrivain" (Le langage
et l'homme, 1987, 22, 3, 266-271), et aussi "Chanson et
traduction: un exemple de la souplesse de l'espéranto"
(Le Rotarien, n° 316, mai 1979, 34-40).
<< Faïk Konitza mettait ainsi le doigt sur un point délicat des langues artificielles : l'absence de style, le niveau étale de la langue. Il ne s'agit pas uniquement de style "littéraire", mais aussi du registre familier, voire populaire. >>
De toute évidence, Faïk
Konitza n'a jamais entendu des enfants jouer en espéranto,
n'a jamais assisté à une querelle dans cette langue,
n'a jamais lu sa poésie ou vu son théâtre. Personnellement
je sais par expérience que, du fait de la liberté
sans restriction qui préside à la combinaison des
éléments linguistiques, la variété des
niveaux de langue existe en espéranto comme ailleurs. On
peut utiliser le registre administratif (Bonvolu ne paroli,
"veuillez vous abstenir de parler"), un registre poli
mais ferme (Ne bruu, mi petas, "Ne faites pas de bruit,
je vous prie"), autoritaire (Silentu! "Taisez-vous!"),
énervé-familier (Mutu, diable! "Taisez-vous
- littéralement: faites les muets -, que diable!"),
grossier (Fermu la kranon, vi zigzagnazulo, au mi flikos al vi
la umbilikon! "Ferme le robinet, toi au nez en zigzag,
ou je te rapièce le nombril!"), etc.
<< Jean Paulhan : [...]Les langues artificielles se créent elles-mêmes leurs obstacles. La souplesse d'utilisation est sacrifiée à la facilité de l'apprentissage." >>
C'est inexact. L'espéranto est plus souple que le français et l'anglais, et ce n'est pas au détriment de sa facilité d'apprentissage. C'est la liberté dans la formation des mots , dans l'emploi des prépositions, dans les formulations syntaxiques qui le rend à la fois souple et facile. En français on est obligé de dire "je pense à vous", en anglais "I think of you", littéralement, "je pense de vous". Parce qu'en espéranto l'emploi des prépositions n'est pas affaire d'usage, mais de style et de sens, on peut traduire cette phrase de diverses façons: Mi pensas al vi est plus dynamique ("ma pensée se dirige vers vous" ; al veut dire "vers, à"); mi pensas pri vi est plus statique ("l'objet de ma pensée, c'est vous"; pri introduit le thème, le sujet dont on parle).
Je vous aime bien tous, mais j'aimerais que vous vous renseigniez un peu plus avant de diffuser des affirmations catégoriques sur un sujet dont il est manifeste que vous ignorez tout. Il est souvent douloureux d'être un ex-enfant espérantophone. On se heurte constamment à des critiques qui n'ont aucun fondement, mais qui sont formulées de bonne foi, ceux qui les profèrent ignorant leur ignorance. Il faudrait avoir l'honnêteté intellectuelle de se dire qu'on ne connaît pas une chose si on tire ses connaissances d'une définition, de on-dit, de raisonnements a-priori ou d' articles de magazines grand-public. On ne peut parler valablement d'une langue que si l'on s'est plongé dans le milieu qui l'utilise, si on a assez d'honnêteté intellectuelle pour remettre en question les évidences qui nous viennent spontanément à l'esprit et si on la compare aux autres langues utilisées dans la même fonction dans des situations analogues. Les critiques de l'espéranto sont extrêmement fréquentes, mais elles présentent des traits communs, qui en démontrent l'inanité :
1. Elles ne se fondent jamais sur l'espéranto réel, tel qu'il est utilisé en pratique (par exemple sur l'observation d'une séance, le dépouillement d'une série de magazines, une analyse de textes ou d'enregistrements de conversations).
2. Elles ne s'appuient jamais sur l'étude de la documentation disponible (travaux de recherche publiés dans diverses universités au sujet de l'espéranto réel).
3. Elles évitent toute comparaison avec les systèmes sur lesquels on est obligé de se rabattre au niveau international pour se comprendre si on écarte l'espéranto (L'espéranto n'est peut-être pas la solution idéale, mais est-ce que l'anglais, le broken English ou le Globish est mieux? Comment se compare-t-il en pratique au multilinguisme? Et s'il facilitait le polyglottisme? C'est possible, à en juger par mon cas. Aurais-je été traducteur à l'ONU pour l'anglais, l'espagnol, le chinois et le russe si je n'avais pas d'abord su l'espéranto?).
4. Elles sont formulées sur un ton tel que l'examen de la question se trouve en fait exclu a priori, comme s'il n'y avait pas de faits à vérifier avant de porter un jugement. Autrement dit, l'exclusion n'est pas la conclusion logique d'une analyse impartiale, c'est le résultat d'une prise de pouvoir. Elle est du même ordre que l'élimination d'un étudiant par un jury qui n'aurait pas lu ses travaux ni regardé les notes qu'il a obtenues aux divers examens.
Ce serait sympathique si, lorsque vous discutez de problèmes linguistiques, vous acceptiez de procéder selon l'esprit démocratique : pas de condamnation avant d'avoir établi les faits, pas de jugement a priori, écoute tolérante de ceux qui ont un avis différent, mais qui ont peut-être une connaissance du sujet qui vous fait défaut... L'objectivité est possible, elle n'est nullement l'ennemie d'une saine subjectivité. Pourquoi ne pas la respecter?
Bien amicalement à tous, Claude Piron
Jen kelkaj reĝustigoj, se vi permesas.
<< Estas vere, ke artefaritaj lingvoj prezentas nur denotaciojn (vortojn
kun pure informa valoro), ne konotaciojn (elvokaĵojn) >>
Miaopinie, estas eraro sisteme atribui al Eo la samajn trajtojn kiel al "artefaritaj
lingvoj" ĝenerale. Dum preskaŭ 120 jaroj da uzado en plej diversaj situacioj
en relative vasta komunumo disvastigita sur la tuta planedo, la zamenhofa projekto
transformiĝis al lingvo vivanta. Neniu simila projekto fariĝis la ĉiutaga lingvo
de dunaciaj paroj, la gepatra lingvo de iu nombro da infanoj.
Ĉiaokaze, Eo estas lingvo
riĉa je elvokaĵoj. Multaj radikoj transiris en la lingvon kun la
etoso de la vorto en la devena lingvo (tia estas hejm, ekzemple,
kiu elvokas la etoson de la germana Heim, aŭ klopodi,
kiu elvokas la samon, kiel la rusa ĥlopotat'). Oni tion bone
vidas se oni faras komparan studon pri la signifkampoj. La esperanta
vorto plena havas la signifkampon kaj la elvokaĵojn de la
rusa polnyj, ne de la latina plenus aŭ de la franca
plein.
Cent dudek jaroj da literatura verkado kaj da ĉiutagaj interparoloj ne povus
lasi la lingvon sen konotacioj. Sufiĉas vidi, kiom rapide en junulgrupo vortoj
alprenas kromsignifojn, elvokaĵojn, tute malsamajn ol tiuj, kiu ekzistas
en la komuna lingvo, por kompreni, ke tiu fenomeno estas natura kaj neevitebla
tuj, kiam lingvo uziĝas.
<< Simile forestas la plezuro kompreni la evoluon de la vortoj. La
artefaritaj lingvoj estas lingvoj sen historio. Ili pli proksimas al kodoj ol
al lingvoj. >>
Eo havas historion. Legu mian artikolon
"A few notes on
the evolution of Esperanto" en Schubert, Klaus, red., Interlinguistics
(Berlino, Novjorko: Mouton - De Gruyter, 1989), 129-142 (aŭ, sub
la titolo "Evolution
is proof of life" en www.geocities.com/c_piron).
Kiel ĉe ĉiu lingvo retroviĝas la plezuro kompreni la evoluon de
la vortoj, same kiel ekzistas kuriozaĵoj, pri kiuj ŝajne ne eblas
satigi la scivolemon, ekzemple, kiam oni sin demandas, el kie venis
la slanga vorto krokodili, kiu signifas "paroli nacian
lingvon en situacio, en kiu la grupo normale parolas Eon".
Mi aŭdis tiun vorton en Brazilo kaj Japanio en la jaroj 1970-aj,
same kiel en tuta Europo, ĉiufoje kun ekzakte la sama signifo, sed
neniu povis klarigi al mi la mensan procezon, kiu kondukis al la
nasko de tiu esprimo, nek la daton kaj lokon, en kiuj ĝi penetris
la lingvon. Se mi ne eraras, ĝi estis registrita en vortaro nur
ĉ. 1980.
<< Oni agnosku, ke Eo staras malproksime, tre malproksime, de sia komenca
ambicio esti unusola universala lingvo, ambicio, kiu baldaŭ reduktiĝis al la
pli modestaj proporcioj de dua universala lingvo, kaj ankaŭ kiu ne realiĝis.
>>
Eo neniam celis estis unusola lingvo, kiu anstataŭu ĉiujn aliajn. Tio estus
kontraŭa al ĝia naturo; ĝi ja baziĝas sur respekto al diverseco kaj al la "etuloj".
La iniciatinto konceptis ĝin kiel duan lingvon por malsamlingvanoj, kiuj deziras
komuniki per lingvo libera je ĉia nacia, hegemonia, ekonomia, politika aŭ religia
ligo. En tiu rolo ĝi perfekte plenumas sian funkcion, kaj atingis sian celon,
kiun Zamenhof difinis jene: " ke ĉiu lerninto de la lingvo povu uzi ĝin
por komuniki kun personoj el aliaj nacioj, egale ĉu ĝi estos aŭ ne alprenita
en la tuta mondo, egale ĉu ĝi havos aŭ ne multajn uzantojn." (D-r Esperanto,
"Język międzynarodowy" (Varsovio: ĉe la aŭtoro, presejo Kelter, 1887), p. 7.)
<< Faik Konitza: "artefarita lingvo uzas vortojn nur kun ties
objektiva valoro, kaj la vortoj, al kiuj oni trudas tiun nevarian kaj rigidan
rolon povas utili nur por neta asertado aŭ por neado, al kiu mankas reliefo
kaj fleksebleco". >>
Tio ne validas pri Eo. La subjektiva uzado de la vortoj kompareblas al tio,
kio ĝi estas en aliaj lingvoj. Sufiĉas malfermi PIV por tuj vidi, ke tiu aserto
ne pravas. Esperantaj vortoj ne havas nevarian kaj rigidan rolon, kiu ebligas
nur netan asertadon, aŭ neadon, al kiu reliefo kaj fleksebleco mankus. Mi parolas
Eon ek de mia infanaĝo. Mi estas psikologo-psikoterapiisto, mi en Eo psikoterapie
helpis al homoj, i.a. al paroj dunaciaj kun paraj problemoj, mi aŭskultis en Eo multajn konfidencojn, mi partoprenis en sennombraj debatoj, kaj mi
povas atesti, ke la ĉi-supre citita maniero prezenti la lingvon havas neniun
rilaton kun la realo. En mia sperto, emocioj kaj sentoj, do subjektiveco, pli
facile esprimiĝas en Eo ol en iu ajn alia fremdlingvo. Vd tiurilate paĝojn 264
ĝis 270 de mia libro Le défi des langues (Parizo: L'Harmattan, 2e eld. 1998,
ISBN 2-7384-2432-5).
<< Krome, artefaritaj lingvoj, ĉar ili celas ĉefe facili, postulas
en la maniero aranĝi la vortojn unuformecon, kiu senigas la uzanton je ĉia libereco,
je ĉia fleksebleco. Oni povas esprimi la ideojn nur laŭ unu maniero, unusola
maniero, tiu, kiu estis antaŭe planita. >>
Kiel facilas disvastigi
misinformojn, kiam oni parolas pri io nekonata ! Esperanto estas
ege pli fleksebla ol la franca kaj la angla, ĝi estas unu el la
lingvoj, en kiuj estas aparte facile trovi grandan gamon da malsamaj
vortigoj por unu sama penso. Ekzemple por esprimi la ideon "mi
iros al la kongreso per trajno", eblas diri mi iros kongreson
trajne, kongresen mi trajnos, mi alkongresos en trajno,
mia alkongresado estos trajna, mi pertrajne alkongresos,
ktp. La franca havigas malpli da ebloj. Vd tiurilate miajn artikolojn
"Espéranto
- Le point de vue d'un écrivain" (Le langage
et l'homme, 1987, 22, 3, 266-271) ["Eo
el la vidpunkto de verkisto" (Vieno: Pro Esperanto, 1992)],
kaj "Chanson et traduction: un exemple de la souplesse de l'espéranto"
(Le Rotarien, n° 316, majo 1979, 34-40) ["Kantoj
kaj tradukado: ekzemplo pri la fleksebleco de Eo"].
<< Faik Konitza tiel akcentis delikatan punkton pri artefaritaj lingvoj:
la foresto de stilo, la ebena, plata aspekto de la lingvo. Mankas ne nur literatura
stilo, sed ankaŭ familiara, eĉ popoleca tono. >>
Evidente Faik Konitza
neniam aŭdis infanojn ludi en Eo, neniam ĉeestis kverelon tiulingvan,
neniam legis ĝian poezion aŭ spektis ĝian teatron. Mi proprasperte
scias, ke pro la senlima libereco, kiu regas la eblon kombini lingvajn
erojn, la varieco de lingvoniveloj ekzistas en Eo kiel en aliaj
lingvoj. Eblas uzi tonon administrecan (Bonvolu ne paroli),
ĝentilan sed firman (Ne bruu, mi petas), aŭtoritatan (Silentu!),
nervozan-familiaran (Mutu, diable!), vulgaran (Fermu la
kranon, vi zigzagnazulo, aŭ mi flikos al vi la umbilikon!),
ktp.
<< Jean Paulhan: [...] La artefaritaj lingvoj mem kreas siajn obstaklojn.
Uzfleksebleco estas oferita al lernofacileco. >>
Tio estas malĝusta. Esperanto estas pli fleksebla ol la franca kaj la angla,
kaj el tio la lernfacileco nenion perdas. Ĝin igas samtempe fleksebla kaj facila
la libereco kombini la vort-elementojn, la maniero uzi prepoziciojn kaj la nerigideco
de la sintakso. En la franca oni nepre devas diri "je pense à vous"
[mi pensas al vi], en la angla nepre "I think of you" [mi pensas pri
vi]. Ĉar en Eo prepozicioj estas uzataj, ne laŭ sintruda kutimo, sed laŭ stila
aŭ signifa intenco, oni povas uzi ambaŭ vortigojn: Mi pensas al vi estas
pli dinamika: "mia penso flugas al vi, direkte al vi", ĉar al indikas
direkton. Mi pensas pri vi estas pli senmova, pli stata: "miaj
pensoj temas pri vi", ĉar pri indikas la temon.
Mi amas vin ĉiujn, sed plaĉus al mi, se vi iom informiĝus antaŭ ol disvastigi
kategoriajn asertojn pri temo, pri kiu, tute klare, vi scias nenion. Ofte estas
dolorige esti eks-infano esperantlingva. Konstante onin batas kritikoj absolute
senbazaj, sed eldirataj kun puraj intencoj kaj plena sincereco, ĉar tiuj, kiuj
vortigas ilin, nescias pri sia nescio. Necesus havi la intelektan honestecon
diri al si, ke oni ne konas temon, se oni ĉerpas siajn sciojn el mallonga difino,
el onidiroj, el aprioraj rezonoj aŭ el artikoloj trovitaj en magazinoj por la
granda publiko. Oni povas valide pritrakti lingvon nur, se oni estis enmergita
en la medio, kiu uzas ĝin, se oni havas sufiĉe da intelekta honesteco por pridubi
evidentaĵojn, kiu spontane aperas en la menso, kaj se oni komparas la priparolatan
lingvon kun aliaj lingvoj uzataj samfunkcie en similaj situacioj. Kritikoj pri
Eo abundas, sed ili ĉiam prezentas la samajn trajtojn, kiuj demonstras ilian
nevalidecon:
1. Ili neniam baziĝas sur reala Eo, kia ĝi estas uzata en la praktiko (ekzemple
sur observo de kunsido, studo de serio da E-magazinoj, analizo de tekstoj aŭ
de surbendigitaj konversacioj).
2. Ilin neniam apogas studo de la disponebla dokumentaro (esplorlaboroj publikigitaj
en diversaj universitatoj pri reala Eo).
3. Ili evitas ĉian komparon kun la sistemoj, al kiuj oni nepre devas turni
sin por interkompreniĝi internacie, se oni forĵetas Eon. (Eble Eo ne estas ideala
solvo al la lingva problemo, sed ĉu la angla, broken English aŭ Globish estas
pli bonaj solvoj? Kia ĝi montras sin, praktike, ĉe komparo kun plurlingveco?
Ĉu ĝi eble faciligas poliglotecon? Se juĝi laŭ mia kazo, tio povus esti. Ĉu
mi siatempe fariĝus UN-tradukisto komisiita francigi el la angla, ĉina, hispana
kaj rusa, se mi ne unue lernus Eon?)
4. Ili uzas tian tonon, ke ekzameno de la demando fakte estas apriore ekskludita,
kvazaŭ ne kontrolindus faktoj antaŭ ol oni juĝos. Alivorte, la ekskludo ne estas
logika konkludo de senpartia analizo, ĝi estas nur la rezulto de povokapto.
Ĝi similas forigon de studento fare de juĝantaro, kiu nek legis liajn
aŭ ŝiajn laborojn, nek rigardis, kiujn rezultojn ŝi aŭ li ricevis ĉe la diversaj
ekzamenoj.
Estus simpatie, se, kiam vi diskutas pri lingvaj problemoj, vi akceptus procedi
laŭ demokratia spirito: ne kondamni antaŭ ol esti kontrolintaj la faktojn, ne
apriore juĝi, tolereme aŭskulti tiujn, kies opinio estas malsama, sed kiuj eble
havas sciojn aŭ spertojn,
CP
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