AVE OMNIBVS (= Salut à tous) !
Jean-Philippe Vincent
plaide éloquemment pour le latin ("Le latin, une langue pour l'Europe", 03.03).
Il pose très bien le problème de la communication auquel l'Union européenne est
confrontée. Malheureusement, il néglige complètement l'observation du réel. La
première chose à faire quand on a circonscrit un problème consiste à voir
quelles solutions lui sont opposées dans la pratique et comment elles se
comparent les unes aux autres. Les situations observables où des personnes de
langues différentes discutent de questions précises - scientifiques,
techniques, politiques, juridiques, économiques, culturelles, etc. - sont très
nombreuses à notre époque. Les formules adoptées sont diverses : anglais (soit
bon anglais, soit bad simple English ou globish), interprétation simultanée à
partir de quelques langues, interprétation à partir de toutes les langues des
participants, espéranto, peut-être aussi latin. Personnellement, j'ai eu
l'occasion d'observer en détail la communication dans ces diverses situations, à
l'exception de l'usage du latin, que je n'ai trouvé nulle part dans le rôle de
lingua franca. J'ai publié mes observations et personne ne leur a jamais opposé
de faits qui les contrediraient.
En comparant dans la
pratique les diverses formules, je me suis chaque fois posé la question : «
Quelle est celle qui présente le maximum d'avantages et le minimum
d'inconvénients pour le maximum de personnes ? » J'ai appliqué toute une série
de critères : aisance, précision, égalité, spontanéité, coût, richesse
d'expression, bien-être psychologique, durée d'apprentissage linguistique
préalable nécessaire pour pouvoir participer aux débats, etc. La conclusion ne
fait aucun doute: de toutes ces formules, celle qui présente le meilleur rapport
qualité/prix , efficacité/coût et agrément/effort est l'espéranto. Mes résultats
ont été publiés dans la revue Language Problems and Language Planning, (vol.
26, n°1, pp.23-50).
J'aime bien le latin, que j'ai appris
avec plaisir (chose peut-être rare) pendant mes études secondaires. J'aime bien
l'anglais, que je pratique presque tous les jours. Mais je pécherais contre
l'honnêteté intellectuelle si je niais la réalité qui s'est imposée à moi :
l'espéranto est plus agréable, plus performant, souvent plus humoristique,
toujours plus démocratique (tout le monde parle une autre langue que sa langue
maternelle) que les autres formules. Or, ce résultat vraiment ahurissant du
point de vue de la qualité est obtenu après une durée d'apprentissage nettement
moindre que pour les autres langues. A âge égal et à nombre égal d'heures
hebdomadaires, six mois d'espéranto confèrent en moyenne un niveau de
communication supérieur à celui qu'on obtient au bout de six ans dans le cas de
l'anglais.
Ne serait-il pas raisonnable de regarder les faits en
face et de quitter les préjugés courants pour promouvoir l'option que la
majorité des peuples et des citoyens ont intérêt à adopter ?
Claude
Piron, auteur de l'ouvrage "Le défi des langues" (Paris : L'Harmattan, 2e éd.
1998), 22 rue de l'Etraz, CH-1196 Gland, Suisse
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