Espéranto : l’image et la réalité
8. L’espéranto, jouet d’idéalistes ? "C’est cette idée – que la
babélisation de l’humanité est la source de tous les malentendus et de tous les
maux – qui a inspiré et inspire encore les créateurs et les propagandistes des
langues universelles de synthèse, l’espéranto en particulier".(1) "L’espéranto, qui résoudrait comme par miracle tous les
problèmes – et pas seulement linguistiques ! – entre les hommes".(2) "On affirme que la paix serait automatiquement instaurée
entre les peuples (...) grâce à une deuxième langue commune".(3)
L’image de l’espéranto inclut souvent l’idée que
ses partisans sont des idéalistes qui s’imaginent que la paix et l’harmonie
résulteront automatiquement de l’adoption de leur code linguistique. Personnellement, nous n’avons jamais rencontré d’espérantophone qui défende une
position aussi naïve et nous n’avons trouvé de telles affirmations ni dans les
réunions auxquelles nous avons assisté, ni dans les nombreux documents émanant
du monde de l’espéranto que nous avons lus dans le cadre de notre recherche.
Depuis quelque temps, lorsque semblable assertion paraît dans la presse, nous
lançons un défi à son auteur : nous lui offrons 3000 francs suisses s’il peut
nous citer un document émanant de la collectivité espérantophone qui lui
permette d’étayer ses dires. Ce défi n’a jamais été relevé. On peut en conclure
que les auteurs qui attribuent cet idéalisme naïf aux partisans de l’espéranto
ne se fondent sur aucune étude réelle du milieu qu’ils prétendent décrire; ils
ont rédigé leur texte sans avoir sous la main la preuve documentaire qui les
rendrait crédibles et justifierait leur ton catégorique.
Notre propre
recherche d’un tel document n’ayant donné aucun résultat, force est d’admettre
que cette idée – l’équation "espéranto = paix" – n’a jamais eu cours au sein de
la collectivité espérantophone. Il s’agit purement et simplement d’un préjugé,
dont l’origine est probablement liée à la haute valorisation du dialogue parmi
les usagers de l’espéranto, ainsi qu’à leur volonté de respecter toutes les
identités culturelles et linguistiques.
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____________ 1. Cellard,
Jacques. "Le syndrome d’Esope", Le Monde, 2 juillet 1984. 2. Silvestri, Gianfranco. "Une huitième langue pour les Communautés",
Courrier du Personnel (Bruxelles: Commission des Communautés
européennes), 1984, n° 452, p. 86. 3.
Silvestri,
Gianfranco, ibid., p. 87.
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