A quand le bon sens
dans la communication internationale ?
Des millions de jeunes
apprennent les langues, et cela coûte des milliards. Mais
quand ils ont atteint I’âge adulte, cet investissement s’avère
si efficace que les Etats doivent engloutir de nouveaux milliards
dans leur système absurde de communication. Pour la seule
année 1989, les services linguistiques de la Communauté
européenne ont coûté aux contribuables près
de dix milliards de francs (1). Chaque mot
écrit y revient à 2 FF ; le coût a doublé
en dix ans (2).
Or, ces chiffres astronomiques débouchent sur une
communication de piètre qualité :
- on a besoin de micros et d’écouteurs ; - malentendus et omissions
abondent ; - beaucoup
de participants à la vie internationale sont acculés à s’exprimer dans des
langues qu’ils maîtrisent mal et sont donc désavantagés dans toute négociation
serrée ; - la traduction des documents implique des délais considérables.
Ceux qui subissent ces inconvénients sont pourtant
les privilégiés de la communication : délégués et représentants d’Etats ayant
des équipes linguistiques à leur service. Pour le commun des mortels, la
communication est nulle ou de niveau très médiocre. Dans d’innombrables cas
(touristes en mauvaise posture, contacts médecin-malade dans un pays dont on
ignore la langue, réfugiés...), le manque de moyen commode de communication
suscite des problèmes agaçants ou douloureux. Mais au lieu de présenter
honnêtement la situation, notre société fait tout pour la dissimuler. On nous
fait croire :
1. qu’il n’y a pas de problème, l’anglais étant utilisé
partout ; 2. qu’on peut apprendre les langues à l’école ; 3. que les
inconvénients du système actuel sont d’importance secondaire ; 4. qu’il est
impossible de s’organiser autrement.
Aucune de ces affirmations ne résiste à
la vérification. En fait :
1. Si la connaissance quasi-universelle de
l’anglais résout le problème, pourquoi faut-il consacrer tant de milliards à la
traduction et à l’interprétation ?
Il ressort d’une enquête
récemment menée en Europe occidentale que seuls 6%
de la population comprennent réellement cette langue (3).
La solution par I’anglais n’est qu’un mythe.
2. L’enseignement scolaire des langues
ne conduit pas à leur maîtrise, car pour posséder
une langue étrangère il faut transformer en réflexes
des centaines de milliers, voire des millions de détails
dépourvus de valeur informative, et l’école ne pourra
jamais consacrer à cette seule activité tout le temps
nécessaire. En France, au niveau du bac, un jeune sur cent
seulement est capable de s’exprimer correctement dans la langue
apprise (4)
3. La traduction et l’interprétation
sont des activités économiquement et socialement stériles.
Or, les montants affectés à une activité ne
sont plus disponibles pour une autre. Cette lapalissade doit être
répétée, car les États n’en tiennent
aucun compte. Exemple : les États-Membres de l’OMS,
à la session même où ils accordaient une rallonge
annuelle de 5 millions de dollars aux services linguistiques, écartaient
faute de fonds (!) un ensemble de projets réalistes, bien
étudiés, destinés à améliorer
la santé en Afrique et ne demandant au total que 4,2 millions
de dollars (5).
4.
Lorsque des personnes de langues différentes veulent communiquer, elles ont le
choix entre divers systèmes variant suivant la situation et leurs compétences
linguistiques : gestes, baragouinage, anglais, interprétation simultanée,
espéranto, etc. Si l’on étudie le rapport efficacité/coût pour chacune de ces
méthodes, on s’aperçoit qu’il en existe une, et une seule, qui assure une
communication d’excellente qualité pour un investissement minime en argent, en
temps et en effort. Cette formule :
- élimine complètement le coût de la traduction et de
l’interprétation ; - met les partenaires sur un pied d’égalité ; -
ne nécessite aucun
délai pour la transmission des documents ; - permet la communication confidentielle (contrairement
au passage par un interprète) ; - favorise l’aisance dans l’expression ; - respecte l’identité ethnique,
nationale et culturelle de chacun ; - stimule la connaissance mutuelle des cultures ; - permet mieux que
les autres l’expression spontanée des sentiments et le dialogue coeur à coeur
entre personnes de langues différentes.
Cette formule, c’est l’espéranto.
Sa supériorité par rapport aux autres systèmes
est facile à vérifier dans la pratique (6).
De quel droit la dissimule-t-on ? La justice exige qu’on ne
prononce pas de verdict avant d’avoir étudié les faits
avec sérieux Mais aucun gouvernement n’a jamais permis à
ses citoyens de juger en pleine connaissance de cause.
Jamais un gouvernement
n’a dit : Nous utilisons des milliards que nous prélevons chez vous,
contribuables, pour des activités stériles de traduction et d’interprétation.
Êtes-vous d’accord ? Ou préféreriez-vous que nous organisions la communication
linguistique de façon moins aberrante, de manière à libérer ces fonds pour des
activités propres à accroître le bien-être des populations ?
Jamais un
gouvernement n’a dit : 90% d’entre vous choisissez l’anglais comme langue à
enseigner à vos enfants. Sachez que la grande majorité d’entre eux ne le
posséderont jamais. Par contre, si nos divers Etats se coordonnaient pour
organiser l’enseignement de l’espéranto, au bout d’une année scolaire (avec le
même nombre d’heures hebdomadaires que pour l’anglais), vos enfants pourraient
communiquer d’un pays à l’autre avec l’aisance qui est la leur dans leur langue
maternelle : la barrière des langues n’existerait plus. Ils pourraient alors
étudier d’autres idiomes, non pour acquérir un moyen mondial de communication ?
cette fonction serait réservée à l’espéranto ? mais à titre d’enrichissement
culturel, pour découvrir un autre univers, pénétrer une autre mentalité, mieux
comprendre tel ou tel autre peuple.
Pourquoi les gouvernements ne jouent-ils
pas cartes sur table ? Pourquoi nous cachent-ils la vérité ? Le moment n’est-il
pas venu de les acculer à une politique honnête et intelligente en matière de
langues ? De remplacer la gabegie par le bon sens ?
____________
1. von
Baratta el Claus, Intemationale Organisationen Francfort a/M :
Fischer, 1991, p. 148.
2. Roman
Rollnick "Word mountains are costing us a fortune", The
European, 20-22 décembre 1991, p. 6.
3. Udo
Van de Sandt, Rapport d’enquête sur la connaissance de l’anglais,
lnitiative Media News Bulletin, Londres : Lintas Worldwide,
janvier 1989, cité par Mark Fettes, "Europe’s Babylon :
Towards a single , European Language ?" History of European
Ideas, 13, n° 3, pp. 201-202, 1991.
4. Rapport
Bertaux, Le Monde de l’éducation, oct. 1982.
5. Organisation
mondiale de la Santé, 28e Assemblée, document A28/50,
et Actes officiels, n° 223, app. 5.
6. Piron,
Claude. "Espéranto :
l’Image et la réalité", Cours et Etudes de
Linguistique contrastive et appliquée, n° 66 (Paris :
Institut de Linguistique appliquée et de didactique des langues,
Université de Paris VIII, 1986).
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